dimanche 22 novembre 2009

- Juste envie d'essayer un tour au paradis / Born to be alive.

Tout a commencé par cette chanson mélancolique. Je m’étais interdit de l’écouter depuis déjà longtemps, la bannissant dès que j’en voyais le titre ou que j’en apercevais au loin les accords de guitare. Interdite, point barre. Puis petit à petit, sournoisement, elle est parvenue à se refaire une place au creux de moi. Elle a agit lentement, délicatement, comme elle sait si bien le faire. C’est d’abord les premières notes qui sont revenues, qui ont frappé à ma porte. J’ai fais la sourde oreille, mine de ne pas la reconnaître. Alors elle est restée sur mon palier, longtemps, longtemps. Agacée, à bout de souffle, je l’ai lâchement laissé entrer. Elle a repris possession de ses biens, de ce qui lui appartient depuis la première écoute : tout mon être, de l’esprit au sourire. Elle a piétiné tout le reste et s’est élevée en maître sur mes agissements et mes pensées. J’étais soumise à cette amie revenue d’outre-tombe à qui j’avais longtemps tourné le dos, la niant corps et âme. Mais pendant combien de temps sommes-nous assez fort pour renier une partie de nous même ? Elle a repris ses petites habitudes, nous avons continué de vivre dans notre quotidien, comme si jamais nous avions été séparées. En sortant elle me tient la main, et je sais qu’en rentrant seule le soir je la retrouverai comme unique compagnie, elle qui m’attend de pied ferme, patiemment. Je lui confie tout ce que je porte de trop lourd et elle en prend la charge un moment avant de me refourguer le plus pesant sur mes frêles épaules. Tantôt une béquille, tantôt l’handicap même. Alors c’est à ce moment que me parvient le premier couplet, que je récite telle une prière de supplication. Et quand arrive le refrain, c’est le débordement, l’explosion. Est-il possible de connaître des paroles plus que par cœur ? Car avec elle, c’est plus que ça, une fusion. Dès la première écoute j’ai su qu’elle deviendrait une allier fidèle, je connaissais les dangers qu’elle engendrerait mais comme d’habitude, je n’ai su dire non. Alors je me laisse guider par la voix de son chanteur et chaque accord, dont je peux anticiper jusqu’à l’ultime note, même sans rien y connaître au solfège. Mes yeux rougissent, mes mains tremblent un peu et des rigoles se forment enfin sur mes joues enfantines. Personne ne pourra m’empêcher de l’écouter, elle qui ne permet à la blessure de se fermer définitivement. Elle est malgré tout la bienvenue, car elle me porte loin de tout, même si elle m’enferme toujours plus. Elle coupe tous les ponts avec l’extérieur, m’empêchant d’envoyer un ultime appel à l’aide. Elle se dresse au milieu de mon chemin, m’obligeant à faire demi-tour et à rester avec elle, indéfiniment. Ma main a tremblé ce soir-là, mes poignets également ont fléchi, malgré moi. Je déteste ça, et pourtant, je m’accroche à cette preuve de survie. Je me hais, et je la hais elle de me mettre dans cette situation où elle me sait si faible que je ne peux refuser cette manifestation du sang coulant dans mes veines, si fragiles et si innocentes. Je suis naïve de croire que c’est une porte de secours. Je secoue bêtement la tête d’un côté, puis de l’autre, mouvement rythmé par cette batterie fantomatique. Je me surprends même à apprécier ces moments d’intimité que j’ai avec elle. Alors je ferme les yeux, ma tête se renverse à l’arrière et je plane. Je suis ailleurs, et j’y suis bien. Je voudrais que cette insouciance dure toujours plus longtemps. Je vais dans ce cas sur mon balcon, et la fumée me permet de retrouver cette nausée que j’aime tant. Cela devient une rengaine, presque un rituel, morbide mais inévitable quand on frappe aux portes de la nostalgie.

mercredi 11 novembre 2009

- City of blinding lights.

A une passante.

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?

Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !


Charles Baudelaire.

lundi 9 novembre 2009

- And breathe me.

Avant de débarquer ici c'était :

"A cette seconde c'est... une pensée pour Montpellier et cette nouvelle vie qui m'attend, j'ai envie de soirées étudiantes avec des inconnus, d'un colocataire charmant avec qui j'aurais une histoire, un ami fidèle avec qui déambuler dans les rues le soir juste pour discuter, un ami de bar avec qui aller boire des verres quand le moral est à zéro ou quand l'euphorie est à son maximum, je vois un pull à capuche noir, des RayBan solaires, des écharpes colorées, des jupes d'hiver, des collants originaux, des chapeaux, des sacs en bandoulière, des Converse, des écouteurs, des vélos, des nouveaux sourires, des places pavées, des entrées précipitées dans des cafés pour avoir chaud, des parapluies, des embrassades un peu éméchées, des nouvelles connaissances, des chambres étudiantes, des soirées improvisées, une bande d'amis, des yeux pétillants, qui sait un petit ami voire plusieurs, des pleurs de temps en temps, des regards interrogateurs, de la fumée dans les poumons et dans la tête, de la musique, oui beaucoup de musiques et de découvertes..."

Maintenant que j'y suis, c'est :

Les lumières de la ville le soir et au petit matin, rentrer de soirée à l'heure où les coloc' se réveillent pour aller en cours, des longues minutes à regarder les étoiles sur mon petit balcon avec la douce compagnie de musique dans les oreilles, de la fumée dans les poumons, de l'alcool dans les veines, les joues rouges, de la pseudo-joie en bouteille, connaître un tas de gens mais savoir que parmi eux très peu seront de vrais amis, les rendez-vous place de la Comédie à attendre tout le beau monde, des rencontres sans cesse nouvelles, des étrangers à l'accent tintant de lointaines destinations, des bars qui deviennent des QG, des sourires auxquels on s'attache malgré nous, des regards amicaux, des couleurs gaies, l'impression de connaître certaines personnes depuis toujours, danser jusqu'au bout de la nuit sur n'importe quelle musique, le charme des gens dont on ne sait si on les reverra un jour ou non, des baisers volés à un inconnu lors d'un Halloween un peu éméché, un sweet au drapeau londonien porté le soir quand sous la couette je regarde une américanerie stupide, un menu pas assez varié composé de pâtes et de riz, des amphis remplis d'inconnus partageant la même passion, d'éternelles soirées seule dans une petite chambre à discuter grâce à msn avec des gens qui sont loins, le carnet orange qui ne cesse de se remplir de phrases interdites et de souvenirs, des parents lointains ne se doutant en rien de ce que peut vivre leur fille la nuit, rentrer à pied quand le soleil pointe ses premiers rayons et fermer derrière soi les verrous que d'autres ouvriront quelques heures plus tard, une première peine de cœur, un projet de tournage, l'écriture d'un scénario et de scènes de vie sur ce blog, une tentative de faire des crêpes, la venue d'une membre d'HappyLand, des coloc' vraiment gentils avec qui partager cuisine et rigolades, des cours un peu à la carte, et puis ce silence quand même qui demeure, cette drôle de sensation pas toujours bienvenue au creux du ventre, et toutes ces questions aussi..Une nouvelle vie qui commence, tellement différente de ce que j'ai pu connaître auparavant, sûrement pleine de surprise, j'espère.

Au final, est-ce si différent ?

dimanche 1 novembre 2009

- Les cheveux dans les yeux cachent nos visages.

Déjà enfant elle craignait le tonnerre grondant à ses fenêtres et ces éclairs foudroyants qui illuminaient sa chambre par secousse. Alors ce soir, elle s’est enfuis, loin. Sur son balcon, recrachant cette fumée nauséeuse elle n’espérait entre autre qu’une seule chose : que cette pluie torrentielle vienne à bout des moustiques buveurs de sang la réveillant chaque nuit. Alors ce soir elle a fugué, elle est partie. Son casque blanc sur les oreilles, poussant le volume au maximum, elle s’enferma, devint sourde au fracas du monde qui l’entourait. Elle a rejoint ces sourires et ces couleurs la faisant vivre un peu plus chaque seconde. La nuit était tombée depuis déjà quelques heures quand elle eut le plaisir de les retrouver, enfin. Tous un peu euphoriques, peut-être à cause de la chaleur de l’alcool coulant dans leurs veines. Elle n’y prêta pas attention et se fondit dans la masse, comme elle savait si bien le faire. Elle participa à leurs jeux, à leurs blagues, à leurs rires résonants sur la grande place. Elle n’avait plus de frissons. Elle dissimula rapidement les fines cicatrices sur ses poignets, violacées par le froid, témoins de cette quête qu’elle ne parvenait à accomplir. Elle était si bonne actrice qu’ils n’y virent que du feu jusqu’au petit matin. Non pas qu’elle faisait semblant, au contraire. Trop sensible pour se révéler, elle essayait tant bien que mal d’être à l’aise avec ces gens, de rire aussi forts qu’eux, d’être aussi drôle, de boire autant pour enfin être vraie, les comprendre, les écouter mais rester silencieuse. Ainsi elle n’avait plus honte, plus besoin de stupide cachette derrière des vêtements trop larges. Remontant la longue rue elle réfléchit à tout ça, à ce qu’elle était, à ce qu’elle pouvait ressentir. Une conclusion la frappa : jamais rien ne serait plus pareil désormais. Tous étaient déguisés en ces horribles monstres ou personnages fictifs terrifiants. Mais ce soir-là elle n’eut pas peur, elle en riait ouvertement. Elle discuta avec un tas d’inconnus. Elle aimait savoir qu’elle ne les recroiserait sûrement jamais, ainsi elle profitait d’avantage de l’instant présent. Elle se sentait vivante. Enfin. Il n’y eut ni musique ni danses ridicules ce soir-là, et c’était bien. Elle bu autant qu’eux, mais le piège s’ouvrit : elle se livrait. En effet, une seule goutte d’un breuvage alcoolisé suffisait à lui délier la langue. Et quand elle sentait la honte monter en elle, elle écoutait mais ne parlait plus. Elle souriait bêtement pour les rassurer. Certains la prirent dans leurs bras, l’embrassèrent, la firent rire, elle aimait ça, ce sentiment étrange de perdre pied et de plonger tête la première. Elle s’abandonna à la boisson et à sa propre bêtise, ne cessant de ruminer silencieusement. Le ridicule et le regret la submergèrent, enfin. La nostalgie habituelle aussi. Elle n’osa l’approcher, intimidée. Elle garda la bouche fermée et se tut définitivement, pas question de retomber dans ce cercle vicieux. Puis ce fut le retour sur terre, l’annulation des effets et cette constante envie de repartir. Que demandait-elle de plus ou peut-être de trop ?