dimanche 1 novembre 2009

- Les cheveux dans les yeux cachent nos visages.

Déjà enfant elle craignait le tonnerre grondant à ses fenêtres et ces éclairs foudroyants qui illuminaient sa chambre par secousse. Alors ce soir, elle s’est enfuis, loin. Sur son balcon, recrachant cette fumée nauséeuse elle n’espérait entre autre qu’une seule chose : que cette pluie torrentielle vienne à bout des moustiques buveurs de sang la réveillant chaque nuit. Alors ce soir elle a fugué, elle est partie. Son casque blanc sur les oreilles, poussant le volume au maximum, elle s’enferma, devint sourde au fracas du monde qui l’entourait. Elle a rejoint ces sourires et ces couleurs la faisant vivre un peu plus chaque seconde. La nuit était tombée depuis déjà quelques heures quand elle eut le plaisir de les retrouver, enfin. Tous un peu euphoriques, peut-être à cause de la chaleur de l’alcool coulant dans leurs veines. Elle n’y prêta pas attention et se fondit dans la masse, comme elle savait si bien le faire. Elle participa à leurs jeux, à leurs blagues, à leurs rires résonants sur la grande place. Elle n’avait plus de frissons. Elle dissimula rapidement les fines cicatrices sur ses poignets, violacées par le froid, témoins de cette quête qu’elle ne parvenait à accomplir. Elle était si bonne actrice qu’ils n’y virent que du feu jusqu’au petit matin. Non pas qu’elle faisait semblant, au contraire. Trop sensible pour se révéler, elle essayait tant bien que mal d’être à l’aise avec ces gens, de rire aussi forts qu’eux, d’être aussi drôle, de boire autant pour enfin être vraie, les comprendre, les écouter mais rester silencieuse. Ainsi elle n’avait plus honte, plus besoin de stupide cachette derrière des vêtements trop larges. Remontant la longue rue elle réfléchit à tout ça, à ce qu’elle était, à ce qu’elle pouvait ressentir. Une conclusion la frappa : jamais rien ne serait plus pareil désormais. Tous étaient déguisés en ces horribles monstres ou personnages fictifs terrifiants. Mais ce soir-là elle n’eut pas peur, elle en riait ouvertement. Elle discuta avec un tas d’inconnus. Elle aimait savoir qu’elle ne les recroiserait sûrement jamais, ainsi elle profitait d’avantage de l’instant présent. Elle se sentait vivante. Enfin. Il n’y eut ni musique ni danses ridicules ce soir-là, et c’était bien. Elle bu autant qu’eux, mais le piège s’ouvrit : elle se livrait. En effet, une seule goutte d’un breuvage alcoolisé suffisait à lui délier la langue. Et quand elle sentait la honte monter en elle, elle écoutait mais ne parlait plus. Elle souriait bêtement pour les rassurer. Certains la prirent dans leurs bras, l’embrassèrent, la firent rire, elle aimait ça, ce sentiment étrange de perdre pied et de plonger tête la première. Elle s’abandonna à la boisson et à sa propre bêtise, ne cessant de ruminer silencieusement. Le ridicule et le regret la submergèrent, enfin. La nostalgie habituelle aussi. Elle n’osa l’approcher, intimidée. Elle garda la bouche fermée et se tut définitivement, pas question de retomber dans ce cercle vicieux. Puis ce fut le retour sur terre, l’annulation des effets et cette constante envie de repartir. Que demandait-elle de plus ou peut-être de trop ?

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