lundi 15 février 2010

- Vous m'ferez 10 lignes.

Depuis tout petit déjà, Sylvain entretenait une drôle de passion : celle d'ouvrir les portes. Une fois qu'il sut courir avant de marcher, Sylvain se précipitait dans l'entrée quand il entendait les trois petits coups portés sur la porte en bois, et prononçait avec une jouissance sans nom ces quelques mots, qui furent ses premiers : "Y'a quelqu'un ?". Ainsi ce petit plaisir le poursuivit tout au long de sa vie, si bien qu'il devint portier dans un grand hôtel. Il prenait un bonheur fou à ouvrir les portes devant les clients et à prononcer ses mots fétiches. Sylvain y mettait un ton bien particulier, chargé de charisme et d'élégance. Mais un jour, Sylvain eut un malaise et tous pensèrent que sa fin était malheureusement venue. Alors que le fossoyeur rebouchait énergiquement la tombe, Sylvain, croyant que l'on frappait à l'entrée, prononça ses derniers mots : "Y'a quelqu'un ?". Encore aujourd'hui on peut entendre son souffle provenant des bas-fonds, ne demandant désespérément qu'une seule chose : qu'on lui ouvre la porte.

*

« Ya quelqu’un ? »
Non, il n’y avait personne, évidemment. Les personnes présentes avaient été surprises de le voir taper ainsi à la porte. Il avait l’habitude de toquer, par pur politesse, par timidité et par peur d’une cruelle erreur. Son TOC gênait souvent les gens, car il était très inhabituel et assez déplacé. Ceci dit, il préférait vérifier. La naissance de son TOC remontait à une décennie environ. Un jour qu’il avait toqué accidentellement, quelqu’un lui avait répondu, et cela avait déclenché quelque chose dans son esprit. Il avait eu peur, c’est certain. Et cette peur lui avait laissé des stigmates profondément ancrées dans son cœur. Ce phénomène aurait touché n’importe qui. Il passa à la porte suivante, aujourd’hui, c’était une famille nombreuse.
« Ya quelqu’un ? »
Non, il n’y avait personne, évidemment. Il avait pris l’habitude de toquer aux portes des cercueils.
(Artémis)

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